Art menstruel : nouveau cycle
Pour sensibiliser, transmettre ou éduquer, certain.e.s font couler de l’encre, d’autres du sang. Un sang qui n’a rien de guerrier même s’il se fait l’étendard d’une lutte : celle contre l’ignorance et les tabous qui persistent autour des menstruations... encore au XXIe siècle. Un sang toujours perçu comme sale voire diabolisé alors même qu’il est source de vie et de fertilité.
Depuis les années 60’, le sang menstruel s’expose parmi les œuvres d’art contemporain, devenant matériau de démarches artistiques militantes. Vous étiez passé.e.s à côté ? Ces dernières années, de nouvelles artistes menstruelles remontent sur scène. On s’est dit que la Journée Mondiale de l’Art était une belle occasion de parler d’elles.
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L’Art menstruel Quesaco ?
L’art menstruel s’inscrit dans le mouvement avant-gardiste du Body Art, mouvement qui émerge dans les années 60’ avec la Révolution sexuelle en Occident. Un art dont le corps est le sujet central, mis en scène dans des performances venant casser l’image lisse des canons de beauté véhiculés par la pub. Plasticiens et vidéastes du Body Art bousculent les stéréotypes, utilisent leur corps comme médium, dans son imperfection, parfois sa souffrance, dénonçant la violence des dictas de la société sur le corps, notamment celui des femmes. Le Body Art défend un corps libre et l’Art menstruel vient naturellement s’y greffer. Les premières performeuses utilisent leur propre sang dans des œuvres engagées, aspirant à changer le regard, les regards, sur les menstruations. Aujourd’hui le mouvement continue, discrètement.
Period artists & Sororité
Les artistes menstruelles ou period artists entendent briser les tabous persistant sur les règles. Cette période du cycle féminin encore entourée de nombreuses croyances, de superstitions enserrant les femmes à travers le monde dans un carcan de honte. Ici ou là, le sang menstruel est perçu comme une souillure, sale et impur dans de nombreuses religions. A travers leurs œuvres, érotiques, poétiques, drôles et provocantes, les artistes menstruelles proposent d’autres regards. Les period artists entendent aider les femmes du Monde entier à se sentir soudées et en sécurité face aux injonctions de sociétés encore trop patriarcales. Certaines y voient même une forme d’art thérapeutique, utilisant leur propre sang comme peinture. Jasmine Alicia Carter récupère le sien dans sa cup menstruelle, devenue gobelet du peintre, pour tracer sur ses toiles de gigantesques Mandalas. De pures expressions de vie, invitations à l’amour de son propre corps.
Un art qui fait tache
Les mentalités évoluent et les féministes sont de moins en moins perçues comme des hystériques ou des extrémistes. Mais tout dépend du milieu et de l’œuvre. L’art menstruel intrigue, fascine, plaît, amuse. Autant qu’il dégoûte ou provoque mépris, gêne et railleries, et ce chez les deux sexes. C’est le cas des œuvres de May Ling Su, qui se filme et se photographie pendant ses règles. Sur une photo d’elle à la mer, elle entoure ses hanches de son propre sang. Elle en fait un vêtement, mi lianes mi maillot, pour interpeller ces femmes qui s’interdisent de se baigner pendant leurs règles. En 2010, son site web est nominé aux Feminist Porn Awards, pour ses œuvres érotiques autour des menstruations. Faire l’amour pendant ses règles, encore un tabou ?
Menstralas & Petits mouchoirs
Devenu néologisme selon sa créatrice Vanessa Tiegs, le terme Menstrala désigne un mouvement artistique féminin revendiquant « un cycle de renouvellement mensuel rouge vif, universellement caché et interdit ». Les Menstralas sont des peintures à réaliser avec son sang menstruel. Celles de Vanessa Tiegs évoquent des encres ou des aquarelles et la créatrice invite toutes les femmes à l’imiter, à se réapproprier leurs règles dans un esprit de féminin sacré. Une forme d’art qu’elle souhaite universel et cyclique, comme la Vie, avec un grand V.
L’artiste française Laëtitia Bourget a quant à elle réalisé une œuvre dont les matériaux principaux sont des mouchoirs en papier et des liquides organiques sexuels, dont son sang menstruel. Une œuvre géométrique et organique pour renouer avec notre Nous primitif.
Stigmatisation VS Empowerment
Qu’elles aient leurs règles ou ne les aient plus, les femmes restent stigmatisées. C’est la double peine à la ménopause, une période teintée d’images dévalorisantes sur la féminité. La photographe Marianne Rosenstiehl en a bien conscience et c’est ce moment de la vie qu’elle choisit notamment de capturer lors de son exposition The Curse en 2014.
Photo, vidéo, peinture, performances. L’Art menstruel est multiple. Il s’invite aussi au théâtre et en littérature. Soyons curieuses et soutenons le mouvement. L’Art menstruel quel que soit sa forme invite les femmes à se voir différemment. A s’aimer, à s’accepter. A lutter. A participer à leur propre « empowerment ». Because… We Can Do It !
Par Élise.